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Précision sur la responsabilité du mandant en cas de dol de son mandataire dans le cadre d’une cession de droits sociaux

Par un arrêt de rejet rendu le 29 octobre 2021 (n°19-18.470), une chambre mixte de la Cour de cassation a jugé, dans le cadre d’une cession de contrôle, que les manœuvres dolosives d’un mandataire dans l’exercice de son mandat, n’engagent la responsabilité du mandant uniquement si ce dernier a personnellement commis une faute, ce qu’il convient de prouver.

En l’espèce, une cession de contrôle d’une société par actions simplifiée est intervenue. Plusieurs cédants avaient donné mandat à l’un deux pour les représenter aux fins de réaliser cette opération. L’acquéreur a contesté cette opération en considérant que le départ du dirigeant de la société cédée, démissionnaire postérieurement à la cession, était connu du représentant des cédants avant la réalisation de celle-ci. Il a de ce fait assigné le mandataire mais également les mandants en nullité de la cession pour dol, avant de ne limiter sa demande qu’aux seuls dommages-intérêts, sur le même fondement.

La question posée à la Cour de cassation était la suivante : la responsabilité du mandant peut-elle être engagée à raison du dol (à considérer qu’il soit caractérisé) de son mandataire dans le cadre d’une cession de droits sociaux s’il n’a pas commis de faute personnelle ?

La Cour de cassation, réunie en chambre mixte du fait de réponses peu claires et divergentes en jurisprudence, a rejeté le pourvoi formé par l’acquéreur, contrairement aux conclusions du rapporteur public, en rappelant premièrement que la victime d’un dol peut agir tant en nullité de la convention qu’en réparation du préjudice subi et en affirmant expressément dans un second temps que les manœuvres dolosives du mandataire, dans l’exercice de son mandat, n’engagent la responsabilité du mandant que s’il a personnellement commis une faute, encore faut-il que l’acquéreur puisse la prouver.

Ainsi, à défaut de prouver une faute personnelle du mandant, sa responsabilité est en principe exclue, seule celle du mandataire, auteur du dol pouvant être retenue.

Cette solution, nouvelle, a le mérite de clarifier la différence des effets vis-à-vis d’un mandant, d’un dol commis par son mandataire en fonction des prétentions de la victime. En effet, si le mandant ne peut voir sa responsabilité engagée à raison du dol de son mandataire lorsque la victime se contente de solliciter des dommages-intérêts, il pourrait subir les conséquences d’une annulation de la cession à raison de ce même dol commis par le mandataire lorsque la victime sollicite la nullité de la cession, le cumul de ces deux actions étant classiquement admis.

Cette solution conduit par ailleurs à faire peser tant sur le mandataire que sur le tiers acquéreur le risque du dol. En effet, si la responsabilité du mandant avait été reconnue, ce dernier aurait naturellement été plus incité à surveiller son mandataire. Or, la solution adoptée par la Haute Juridiction conduit à faire davantage peser la charge de cette surveillance sur le tiers acquéreur, le mandant voyant sa responsabilité écartée en pareils cas.

Julien Loth